Projet de thèse

11/11/2021

Lionel VUITTENEZ

18 rue Joseph Gaillard

94300 Vincennes

Tel : 0687280095

lionelvuit@hotmail.com

PROJET DE RECHERCHE DANS LE CADRE D'UNE THÈSE

Titulaire d'un Master 2 en Sciences de l'Education obtenu avec mention Bien1 à l'Université Paris 10 Nanterre en juin 2012, je souhaite rentrer en processus de thèse de Sciences de l'Education au sein de l'Ecole Doctorale « Pratiques et théories du sens » et du laboratoire CIRCEFT (axe de recherche CLEF - apsi) de l'Université Paris 8 Saint Denis, si possible dès la rentrée 2020 - 2021. Après vous avoir présenté qui je suis et mes objectifs à travers ma thèse, je vais présenter mon projet de thèse dans deux parties distincts et complémentaires. Dans un premier temps, il s'agira de développer ma thématique et ma problématique en présentant les enjeux de l'objet retenu. Puis dans un second temps, nous nous efforcerons de présenter la recherche afférente qui sera la source des connaissances que nous visons à produire à travers ce travail.

CONTEXTE PROFESSIONNEL DE LA THESE :

Mon objectif à travers cette formation doctorale est de nourrir mon projet professionnel de création de mon propre Organisme de Formation. Mon projet professionnel post doctorat est donc lié à ce projet de développement de ma propre structure. Du point de vue des financements de mon parcours doctoral, je serai pris en charge par la société que je vais créer.

Ce projet trouve sa source dans mon parcours professionnel. Animateur social de formation (DEFA, équivalent actuel DEJEPS), j'ai été travailleur social pendant plus de 10 ans auprès des publics les plus exclus (personnes sans domicile fixe, chômeurs de longue durée, ...). Souhaitant évoluer sur des fonctions de coordination, j'ai choisi de réaliser la formation du Diplôme d'État d'Ingénierie Sociale (DEIS) en relation avec le Master 2 à Nanterre. Diplôme en poche, j'ai alors pu exercer la fonction de chargé d'étude pour deux associations (Crésus sur la problématique du surendettement et Affects et Aliments sur la problématique de l'obésité) et une mission de coordinateur adjoint au sein de la Mission de Lutte contre le Décrochage scolaire (MLDS) pour l'Education Nationale. Ne trouvant pas de poste de chargé de mission, j'ai finalement pu trouver des missions comme formateur de travailleurs sociaux indépendant via la Coopérative d'Activité Coopaname pendant 5 ans. Cette expérience m'a permis de confirmer mon goût et mes compétences pour ce métier à travers des missions de formation en intra structure (Ménages Services), des formations en Ecole de Formation de Travailleurs sociaux (ETSUP) et des formations en inter structure auprès des enseignants sur le décrochage scolaire et des Auxiliaires de Vie Scolaire sur l'accompagnement du handicap en milieu scolaire (formations réalisées pour OPCALIA dans le cadre d'un appel d'offre).

Mais c'est la précarité de ces fonctions de formateur qui m'amène aujourd'hui à vouloir évoluer en créant ma propre société spécialisée dans la formation continue des professionnels du secteur éducatif, social et médico-social. Cet Organisme de Formation (que je vais créer fin janvier 2020) se nommera « Sens Compétences » et sera spécialisé dans la question du sens. Cette spécialité implique la mise en œuvre d'un catalogue d'offre de formations axées sur la question du sens auprès des publics concernés par cette problématique (jeunes en orientation scolaire, chômeurs en reconversion, salariés en bilan de compétences, étudiants, futurs retraités, créateurs d'entreprise et bénévoles/militants en quête de sens, ...). A cela s'ajoutera un catalogue de formations spécifiques en lien avec la question du sens au sein des secteurs éducatifs (établissements scolaires et centres socio-culturels), social (travailleurs sociaux, care) et médical (soin et cadre de santé). Pour mettre en œuvre ces différents catalogues, j'ai besoin de me former pour acquérir les compétences et en développer les contenus. Réaliser une thèse sur la question me semble la meilleure formation possible et me permettra en tout cas de nourrir ma réflexion dans le cadre de ce projet d'entreprenariat.

J'ai déjà commencé cette démarche en m'inscrivant cette année (2019-2020) dans un cursus de Master 2 qui me permettra de poser les bases d'une réflexion et d'une recherche via un premier mémoire réalisé à l'Université Paris 8 Saint Denis et que j'espère soutenir en 2020 ou en Juin 2021 (je serai alors titulaire d'un double Master 2). J'ai souhaité m'investir dans ce premier travail afin de réaliser une première revue de littérature et une première recherche exploratoire. Je pourrai intégrer les contenus de cette première recherche comme base de départ pour ma thèse.

I° Thématique du projet de thèse :

A° « L'ENSEIGNEMENT DU SENS D'UN METIER » COMME OBJET DE RECHERCHE :

Dans ce contexte de mes projets, ma thèse aura pour fonction de structurer scientifiquement les contenus et les méthodes pédagogiques apportés dans les formations de mon futur Organisme de Formation. Mon objectif est de produire de la connaissance sur la question de l'enseignement du sens d'un métier en général au travers de l'exemple des professions du secteur éducatif, social et médical en particulier.

La thèse aura donc pour thème la question de l'enseignement du sens d'un métier dans le cadre de la formation professionnelle. « Enseigner le sens » pose un certain nombre de questions qui s'articulent autour d'une question de départ : comment transmettre le sens d'un métier dans le cadre de la formation professionnelle ? Quels contenus ? Quels moyens pédagogique ? Quels processus d'apprentissage ? Quel programme ? Quels résultats ?

Ce questionnement général nous amènera à devoir préciser un certain nombre de notions :

- Qu'est ce que le sens ? Quelle en est la définition ? Il semblera donc important de partir d'une définition de ce qu'est le sens, de ce que nous entendons à travers le mot sens à travers son étymologie et sa polysémie. Il s'agira de poser, parmi ces différents sens du mot sens, lequel nous retiendrons dans l'optique de cadrer notre objet de recherche. Pour nous, poser la question du sens d'un objet, c'est poser la question du « pourquoi », du « pour Quoi », de la finalité et de la « Cause » qui est à la source, aux fondements, de l'objet considéré.

- Quelles en sont les lois de fonctionnement du sens, comment le mesurer, quels en sont les paramètres, les composantes, les indicateurs ? Nous serons donc amenés à nous interroger sur une théorisation du sens dans ses différentes dimensions épistémologiques (philosophie, sciences des religions, sociologie, sciences politiques ...).

- Qu'est ce que transmettre ? qu'est ce qu'un enseignement ? Nous nous pencherons sur les apports des sciences de l'éducation et notamment sur les concepts de pédagogie et d'andragogie ?

- Quels sont les spécificités de l'enseignement du sens ? Est ce vraiment un enseignement ? S'agit il d'un accompagnement ou d'un coaching ? Le sens se transmet-il ou bien émerge-t'il comme une cognition particulière ? Dès lors quels moyens andragogiques pour cette émergence ?

- Quelles sont les spécificités du cadre de la formation professionnelle ? Quelle est la différence avec l'université qui s'adresse elle aussi à des adultes ? Qu'est ce qu'induit la dimension professionnelle de l'enseignement ? Qu'est ce qu'induit ce cadre et ses spécificités ?

Une fois ces généralités posées, nous nous intéresserons aux spécificités de notre champ d'étude à savoir le secteur éducatif, social et médical.

- Nous définirons précisément ce secteur en en décrivant les métiers spécifiques et l'étendue économique en nous attachant aux points communs de ces professions à savoir la relation à autrui (Dubet, 2003).

- Nous définirons les enjeux du sens du travail pour ce secteur d'un point de vue théorique à travers une revue de littérature exhaustive. Pour cela nous nous appuierons sur les résultats de ma recherche en Master 2 qui portait sur « la clinique du sens du travail social» : Comment se pose la question du sens du travail ? En général dans notre société ? Comment cette question du sens du travail se pose-t'elle pour ces professionnels ? A quels moments de leur vie professionnelle ? Quelles sont les conséquences de ce questionnement ? Ces conséquences sont elles positives (motivation) ou négatives (démotivation) ? Quelles sont les réponses apportées à la question : qu'est ce qui donne sens ou au contraire « détruit » le sens du travail dans ces professions ?

B° NOTRE PROBLEMATIQUE :

Il ne s'agit pas ici de résumer la revue de littérature que nous ne manquerons pas de réaliser en détail et de manière extrêmement développée dans le cadre de notre thèse. Il s'agit ici d'adopter une position méta par rapport à tout le contenu que nous avons trouvé dans nos lectures pour dégager le fil directeur de notre réflexion et faire émerger ce que sera notre cadre théorique d'analyse.

Si l'on cherche ce qui a été écrit et pensé sur le sujet, force est de constater que la littérature est abondante. Ce qui frappe cependant, au-delà du nombre important de publications qui traitent de la question du sens de ces métiers, c'est que le problème n'est jamais traité directement : il n'est pas l'objet d'étude proprement dit, il n'est jamais le centre du questionnement de l'auteur2. En fait, la question du sens apparaît très souvent dans la littérature mais il apparaît comme étant la conclusion, la clé qui permet de comprendre l'objet de questionnement de l'auteur3. Que cet objet soit la crise de l'éducation et de l'hôpital ou l'éthique du travail social , le sens apparaît comme la clé de résolution du problème posé : dans sa forme positive le problème se résume à une « quête de sens » et dans sa forme négative il se résume à une « perte de sens ». La clinique de la construction de ce sens n'est jamais posée, décrite ou analysée. Au final il n'y a pas à ce jour de théorisation directe de notre sujet de recherche proprement dit. La question du sens d'un métier reste un sujet vierge de toute théorisation d'ampleur. Si cela laisse présager que notre recherche de terrain peut potentiellement porter des fruits intéressants et ouvrir des portes théoriques importantes, cela pose problème par rapport à un cadre théorique d'analyse adéquat et explique que nous sommes obligés d'aller chercher des théorisations de sujets proches ou de sujet en rapports indirects pour construire un modèle d'analyse sur mesure.

Dès lors, quel modèle d'analyse choisir pour construire notre hypothèse de recherche ? Nous n'avons en réalité que l'embarras du choix tant la question du sens est transversale. Dans la version négative de la question, celle qui apparaît le plus souvent dans la littérature, nous pouvons nous intéresser aux effets négatifs de la « perte de sens » en général pour comprendre la souffrance psychique des professionnels. Pour cela nous pouvons nous appuyer sur les travaux dans la lignée de la psychopathologie du travail de Christophe DEJOURS4. Dans la version positive de la question, nous pouvons nous intéresser aux théorisations de ce qu'est une « quête de sens » en général pour comprendre comment se construit le sens du travail pour les professionnels qui nous intéressent. Pour cela nous pouvons nous appuyer sur les travaux sur le sens de la vie et le sens du travail du CNAM - INETOP5. Ces deux solutions nous semblent satisfaisantes mais nous tournons autour de notre sujet sans réussir à le toucher pleinement. Aussi nous semble-t'il judicieux d'adopter une approche clinique de notre objet pour appliquer les concepts de ces deux champs épistémologiques dans une optique pluri-disciplinaire pour comprendre la question du sens du travail pour ces professions au même titre que Florence GIUST-DEPRAIRIES a pu dévoiler la construction de l'identité professionnelle des Aides Médico-psychologique6 et que Fabienne HANNIQUE a pu démontrer les transformations du sens du travail pour les postiers7.

LE CHOIX D'UNE APPROCHE SOCIO-CLINIQUE :

Il nous semble logique, compte tenu de notre sujet, d'adopter une approche compréhensive. La sociologie compréhensive est en effet le courant de la sociologie qui s'intéresse particulièrement au sens que les gens et les organisations donnent à leurs pratiques et représentations : elle ne questionne pas seulement ce qu'ils font ou disent, mais aussi le pourquoi de ce qu'ils font ou disent en acceptant de prendre au sérieux, au moins temporairement, les explications qu'ils en font. La sociologique clinique est un courant de la sociologie compréhensive, née historiquement à l'université Paris VII, dans le laboratoire de Changement Social (aujourd'hui Laboratoire de Changement Social et Politique), dirigé pendant plus de trente ans par Vincent de Gaulejac. La sociologie clinique a pour projet d'étudier et de rendre compte des phénomènes humains en réalisant une articulation entre la compréhension des déterminismes sociaux et ceux de nature psychique. Elle convoque pour y parvenir, un regard de type sociologique et historique (l'humain est toujours situé socialement et historiquement) et un regard psychanalytique (l'humain se construit grâce à ses premiers attachements affectifs). Cette approche clinique permet et vise à toucher la subjectivité des individus.

Un des spécificités de la démarche clinique, c'est qu'elle prend en compte l'influence du chercheur dans la recherche. Or il se trouve que j'ai un lien très personnel avec le sujet et que je dois le prendre en compte dans l'analyse. Il me semble donc important d'analyser mes liens avec le sujet pour tenter une objectivation de mes conclusions de recherche. Ma contribution scientifique passe donc par une réflexion qui prend le risque de traverser les transferts des publics que je vais interviewer et mon propre contre transfert en tant que chercheur. Cette (psych)analyse devra être faite dans le cadre de ma thèse.

NOTRE QUESTION DE RECHERCHE :

Partant de notre cadre d'analyse conceptuelle, voici quelle sera notre question de recherche : Quelle est la clinique de la question du sens du travail dans les secteurs éducatif, sociaux et médicaux ? Comment se construit l'émergence du sens de ces métiers ? Qu'est ce qui favorise son « émergence » ou au contraire le « détruit » ? Comment favoriser son émergence et éviter les pièges en terme de souffrance psychique d'une perte de sens ?

NOS HYPOTHESES :

Partant de ce cadre théorique, nos hypothèses seraient ainsi les suivantes :

- La question du sens du travail est une question centrale, qui se pose de manière aigüe pour les professionnels de ces trois secteurs. Elle se pose en amont dans le choix du métier, faisant de ces professions des « métiers vocationnels ». Elle se pose pendant la formation comme une motivation. Puis vient « l'épreuve de la professionnalité » (analyse de M. Ravon) pour le professionnel qui découvre la réalité du terrain et ses contraintes. Soit la personne réussi à trouver une stratégie pour maintenir sa motivation, soit elle n'y parvient pas. Les risques psychosociaux sont alors importants pour ces professions liées à la relation à autrui (burn out, bore out, brown out). Il y a en tout cas une souffrance psychique potentielle importante en lien avec un sentiment de perte de sens qui peut déclencher soit une quête de sens soit un processus dépressif.

- Cette importance du sens et les points communs entre ces 3 secteurs fait qu'on peut parler d'un secteur de l'« économie du sens » : le sens est le coeur de sa professionnalité. Il s'agit donc d'être particulièrement attentif à la question du sens pour ces professionnels. Le sens doit être protégé tout au long de la vie professionnelle d'où le concept d'« écologie du sens » qui doit se traduire par des formes de management spécifiques à ces métiers. Ce management par le sens doit être mis en place dans les institutions de ces 3 secteurs : les normes budgétaires administratives et bancaires sont inadaptées pour ces secteurs qui doit fonctionner selon des logiques liées au sens.

II° LE DISPOSITIF DE RECHERCHE :

Afin de répondre à notre question de recherche et valider ou infirmer nos hypothèses, il s'agit de mettre en œuvre un dispositif de recherche pertinent pour recueillir des données scientifiquement analysables.

DU MODELE D'ANALYSE A LA CONSTRUCTION DE NOTRE GRILLE DE QUESTIONNEMENT :

Partant de notre modèle d'analyse qui s'appuie sur une démarche pluridisciplinaire sur mesure dans le cadre d'une approche clinique, nous pourrons construire notre grille de questionnements à travers le choix des indicateurs que nous cherchons. Il est trop tôt actuellement pour pouvoir retranscrire ici quels seront les items choisis. Cependant, nous pouvons préciser dès aujourd'hui notre méthodologie sur ce point. Pour cette étape, nous nous appuierons sur la méthodologie de la recherche en sciences sociales formalisée par Raymond Quivy8. Il insiste sur cette étape qui vise à transformer les perspectives de notre problématique dans un langage et sous des formes qui rendent propre à guider le travail systématique de collecte de données en vue de leur future analyse. Pour cela, il s'agit d'analyser notre objet selon le prisme de concepts qui permettent de fixer des indicateurs pertinents pour mesurer ce que nous cherchons. Il nous semble que ce que nous cherchons correspond à ce que nous appelons un « parcours de sens » c'est à dire une histoire de vie centrée autour de la question du sens du sujet dans sa vie professionnelle.

LE CHOIX DES TECHNIQUES DE RECUEIL DE DONNÉES :

Concernant les techniques de recueil de données, il ne s'agit pas de mener une étude statistique quantitative sur le sens que les professionnels donnent à leur travail. La méthode du questionnaire nous semble donc inappropriée puisque nous cherchons à percevoir la subjectivité de notre sujet. De même la technique des entretiens directifs risque de canaliser le discours de notre interviewé dans une direction qui valide nos hypothèses de manière tronquée. Notre sujet ne semble pas nécessiter une observation d'un terrain particulier parce que nous cherchons quelque chose qui est de l'ordre de la cognition, ce qui n'est pas forcément mesurable dans les gestes extérieurs et l'activité que peut mesurer l'observation. Du moins, l'approche d'observation doit être complétée par d'autres techniques qui permettent d'interpréter les résultats de l'observation. La technique des entretiens semi directif pourrait être pertinente mais nous souhaitons mettre en œuvre une technique qui rentre en profondeur dans la subjectivité de notre sujet. C'est pourquoi nous nous appuierons sur la technique de l'histoire de vie. La notion et les techniques d'histoires de vie renvoie à une pluralité de pratiques s'inscrivant dans différents champs des pratiques sociales, littéraires, personnelles, de recherche et d'intervention en sciences humaines. Récits de vie, histoires de vie, approche biographique, ces notions se réfèrent à des démarches mises en œuvre par les chercheurs en sciences humaines. Nous nous appuierons sur la méthodologie proposée par Paul Raybaut9. L'avantage de cette méthodologie est qu'elle permet une libre expression de la personne tout en laissant libre le chercheur d'utiliser la possibilité d'intervenir afin d'interroger la personne sur la base des indicateurs cherchés.

La question du terrain de la recherche

La question portant sur les dispositifs andragogiques à mettre en œuvre au sein d'un Organisme de Formation professionnelle continue pour (re)donner du sens au travail , l'étude idéale pourrait ressembler à une recherche action réalisée au sein de l'Organisme de Formation que je suis en train de créer.

Les modalités de cette recherche action seraient la suivante : mettre en œuvre des formations pour répondre à la problématique et observer les effets sur le public observé par tâtonnements successifs. c'est à dire selon un processus empirique. Il s'agit donc d'une « méthodologie d'expérimentation pédagogique » au sens développé par Gaston Maliaret (p 92 et suivantes)10.

Les objectifs de la recherche action sont de trouver des réponses en terme pédagogique à la problématique du sens telle que nous l'avons posé.

Les conditions déontologiques et scientifiques d'une recherche action :

Ce type de méthodologie implique de nombreuses précautions méthodologiques notamment au niveau déontologique. La mise en œuvre de « formations recherche action » nécessite d'informer le public observé par rapport à la démarche dans une optique de non objetalisation.

De même, les conditions de la scientificités des données récoltées nécessite la définition d'un protocole strict de recueil des données qui mérite d'être entièrement écrit et décrit de manière à éviter les biais subjectifs. La méthodologie de la recherche action « accorde en effet une place centrale à l'interaction, la sensibilité et l'implication humaine dans le processus de connaissance » (Barbier, p de couverture)11. Il faut donc manier les connaissances produites avec beaucoup de méthodologie afin de leur donner du sens au-delà des dynamiques subjectives induites par le déroulement de l'action (ici les formations).

La mise en œuvre d'un « protocole du sens » :

Il s'agit d'étudier à travers la mise en œuvre de formations spécifiques comment se construit le sens dans la subjectivité du public observé. Quels sont les conditions de son émergence ou au contraire de son anéantissement ? L'objectif est donc de théoriser une sorte de « sciences des conditions du sens » à travers l'analyse de dispositifs pédagogiques et de leurs effets en terme d'émergence ou de reflux du sens du point de vue des personnes formées. Autrement dit, il s'agit de poser les fondements d'une « écologie du sens ». Partant du postulat que l'émergence du sens ou du non sens est un phénomène complexe et fragile au même titre que la biodiversité, il s'agit de décrire les facteurs qui permettent le développement ou le reflux du phénomène considéré.

Cette analyse peut se réaliser aussi bien en condition de formation inter structure (dans les locaux de l'organisme de formation) qu'en condition de formation intra structure (dans les locaux de l'établissement éducatif et social client). Cette dernière modalité peut s'avérer fort riche en enseignements car elle ouvre la voie à un « protocole de sens » qui intègre ce qui se déroule en terme de management au sein des structures. Dès lors, il devient envisageable de produire de la connaissance sur les conditions d'un « management par le sens » respectueux de « l'écologie du sens » au sein des établissements sanitaires et sociaux. Ces savoirs peuvent servir de base à des référentiels qui définissent « les normes du sens » c'est à dire des normes compatibles avec l'émergence du sens. Ces normes pourraient servir de base à des évaluations internes et externes des établissements (au sens de la loi de 2002-2 de modernisation sociale) en remplacement des normes administratives, budgétaires et bancaires que les individus considèrent comme destructrices du sens. Ce changement de paradigme pourrait ouvrir la voie à un secteur de « l'économie du sens » devant être évalué selon les normes du sens et non selon les normes budgétaires et bancaires, construisant ainsi une réponse et une alternative aux effets dévastateurs de la gestion financière sur les pans de la société où elle n'est pas adaptée (secteur non marchand, humanitaire, social, éducatif et médico-social). En poussant la logique jusqu'au bout, il s'agirait d'une victoire majeure sur le mythe ultra libéral qui prétend que l'ensemble de la société doit être soumis aux lois du marché. Les enjeux du « protocole de sens » sont donc éminemment politiques.

Les modalités pratiques de la mise en œuvre du « protocole de sens »

Concrètement, la mise en œuvre du « protocole de sens » nécessiterait la mise en œuvre de deux types de Formations Recherche Action (FRA):

- Une FRA en inter structure dont l'objectif serait de permettre aux professionnels de l'action sociale de « se ressourcer par le sens ».

- Une FRA en intra structure dont l'objectif serait de permettre aux institutions d'impulser une démarche de « cohésion de ses équipes par le sens ».

L'ensemble de ces formations seraient encadrées par des dispositifs stricts de recherche pour évaluer les effets des dispositifs pédagogiques mis en œuvre :

- 1 grille d'entretien pour évaluer la problématique vécue par la personne lors de son arrivée en formation

- des grilles d'entretien pour évaluer les évolutions de la problématique de la personne au sortir immédiat de la formation, trois mois après et un an après.

- La réalisation d'une histoire de vie pour tous les stagiaires volontaires afin de cerner leur « parcours de sens »

- L'enregistrement systématique et l'analyse du déroulement des actions de formations afin d'évaluer les dispositifs pédagogiques dans leur totalité (évaluation des conditions de déroulement des séquences pédagogiques et de leurs effets sur la dynamique de groupe et les comportements et cognitions des formés).

- Des dispositifs d'observation directe du déroulement des formations avec observations participantes des formés sur leur propre évolution (implication des formés dans leur propre processus de transformation de leurs cognitions autour de la problématique du sens).

Calendrier et délimitation géographique de la recherche :

Le dispositif de la recherche action serait mis en place pendant 3 années civiles complètes de début 2021 à décembre 2023. L'objectif de soutenance de la thèse serait fixé à Juin 2024.

Il serait mis en place pour l'ensemble des formations sur le sens organisées par l'Organisme de Formation « Sens Compétences » sur la période. L'Organisme de Formation sera situé dans la petite couronne Est de la Région Parisienne (entre Vincennes et Montreuil) mais les stagiaires pourront venir de toutes les Régions de France.

BIBLIOGRAPHIE

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Toozé Adam, « Crashed, comment une décennie de crise financière a changé le monde », Collection Les Belles Lettres, 2018, Paris.

1 (mention Très Bien pour le mémoire)

2 Cela tend à confirmer notre hypothèse qu'il s'agit d'un sujet de recherche puisque la question n'a jamais été traitée en tant que telle dans sa globalité.

3 Cela tend à confirmer notre hypothèse qu'il s'agit d'un sujet central, important pour le travail social.

4 Travaux de Christophe Dejours, Souffrance en France, ...

5 Travaux de Jean Luc Bernaud et al., psychologie de l'accompagnement, concepts théoriques et outils pour développer le sens de la vie et le sens du travail, Edition Dunod, Malakoff, 2015 et Sens de la vie, sens du travail, pratiques et méthodes pour l'accompagnement en éducation, travail et santé, Editions Dunod, Malakoff, 2019.

6 Travaux de Florence Giust - DEPRAIRIE, ...

7 Travaux de Fabienne Hannique, Le sens du travail, chronique de la modernisation au guichet, Editions Erès, Toulouse, 2014.

8 Raymond Quivy, Méthodologie de la recherche en sciences sociales, PUF, Paris, 1995

9 Paul Raybaut, les récits de vie théorie et pratique, édition PUF, collection le sociologue, Paris, 1983.

10Voir « les méthodes de recherche en sciences de l'éducation »

11Voir « la recherche action » de René Barbier.   

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